Période d'essai non rémunérée : est-ce légal ?

Période d'essai non rémunérée : est-ce légal ?

En France, la période d’essai est rémunérée, qu’il s’agisse d’un contrat à durée déterminée, d’une période d’essai ou d’une mission temporaire. En Suisse, ce n’est pas tout à fait le cas. Même si l’employeur voit la période d’essai comme l’occasion de découvrir un candidat, la non-rémunération de la période d’essai peut surprendre le frontalier. Période d’essai non rémunérée : est-ce légal ? Suivez le Guide !

Est-ce que la période d'essai non rémunérée est légale ?

Une pratique peu réglementée

Selon l’article 320 (al.2 CO) du Code du travail suisse, un contrat de travail est estimé conclu dès lors où le candidat effectue le travail pour lequel il est engagé contre un salaire. Il paraît donc normal que si le candidat effectue certaines tâches de travail dans l’entreprise, ses journées doivent être rémunérées, y compris en période d’essai. Cependant, la pratique est peu réglementée, ce qui amène à des malentendus, voire même des conflits, notamment pour le frontalier qui est habitué à voir sa période d’essai payée en France. 

Cette pratique est d’autant plus ambiguë pour le candidat qui n’est finalement pas engagé.  

 

Type d’essai et rémunération

Les journées d’essai peuvent prendre deux aspects. 

 

Type d’essai

Rémunération

En pratique

Le candidat n’effectue aucune tâche. Il observe, il questionne, il s’imprègne du fonctionnement de l’entreprise, des équipes, du mode de travail. Il découvre le poste qu’il pourrait occuper en cas d’engagement.

La non-rémunération est possible, car le candidat ne sera pas amené à effectuer quelque tâche de travail que ce soit.

L'employeur doit réaliser un écrit attestant explicitement qu'aucune rémunération ne sera faite pendant ces journées d’essai, afin d’éviter une revendication ultérieure.

Le candidat prend part à l’activité de l’entreprise et exécute diverses tâches. 

La non-rémunération pourrait être envisagée car aucune loi n’impose le contraire. Cependant, en raison du travail effectué, le candidat devrait pouvoir prétendre à une certaine rémunération.

En cas de rémunération, un écrit doit être réalisé avec le montrant fixé pour ces journées d’essai. 

 

Une période d’essai limitée

Cette période d’essai non rémunérée doit toutefois être limitée pour éviter un souci évident de précarité et d’abus de la part de l’employeur. Cependant, une fois le candidat engagé, l’employeur pourra prévoir une autre période d’essai plus complète pouvant aller jusqu’à trois mois maximum (selon l’article 335b, al.2 CO). Par défaut, la période d’essai d’un contrat indéterminé est d’un mois. 

Une convention collective non obligatoire 

Ce qui pose également problème dans la pratique de ces journées d’essai, c’est la Convention Collective de Travail (CCT) qui n’est pas toujours établie selon le domaine d’activité et/ou le poste de travail en question. Dans ce cas, les secteurs professionnels sans CCT ont plus de libertés, et peuvent contourner la rémunération de cette période d’essai.

 

Comment fonctionnent les assurances et les cotisations sociales en période d’essai ?

La question de l’assurance

En Suisse, une couverture contre les accidents de travail est obligatoire dès le premier jour d’activité, qu’il s’agisse d’une période d’essai ou non, qu’elle soit rémunérée ou pas. Cependant, les assurances distinguent ces deux situations en fonction du temps d’occupation du poste de travail, à savoir : moins de 8 heures par semaine. Ainsi, la couverture se limite aux accidents professionnels si la durée d’occupation du poste ne dépasse pas ce nombre d’heures hebdomadaires. 

 

  • Pour les journées d’essai rémunérées : le calcul de la prime prend en compte un gain journalier d’au moins 20% du montant maximum du gain journalier assuré (soit CHF 81.20) - si la personne a 20 ans révolus, et d’au moins 10% dans les autres cas (soit CHF 40.60).
  • Pour les journées d’essai non rémunérées : il est fortement recommandé de prévenir de la venue du candidat à l’assurance accident pour permettre de calculer le montant de la prime. Cela permet aussi d’assurer les deux parties sur toute la durée de la période d’essai.

 

Les cotisations sociales

La question des cotisations sociales suisses, à savoir l’AVS, l’AI, l’APG et l’AC, se pose pour les candidats en période d’essai. Les cotisations aux assurances sociales ne sont dues qu’en cas de rémunération, et pour les personnes percevant des salaires dépassant 2300 francs suisses par année civile et par employeur. Dans ce cas, dès lors où la période d’essai ne dépasse pas trois mois et n’offre qu’un faible revenu, aucune affiliation à la LPP (2e pilier suisse) n’est obligatoire.

 

Est-ce que la période d'essai est obligatoire ?

En France, la période d’essai n’est pas obligatoire sauf si elle est mentionnée dans le contrat de travail. La période d’essai en Suisse permet aux deux parties d’évaluer les attentes et les compétences nécessaires pour le poste, ainsi que la relation de travail. Cependant, tout comme en France, elle n’est pas obligatoire. 

 

  • L’employeur peut proposer l’allongement d’une période d’essai jusqu’à 3 mois pour un contrat à durée indéterminée, mais un accord écrit entre les deux parties est nécessaire. 
  • Pour les contrats à durée déterminée, la loi ne prévoit pas de période d’essai, l’employeur étant libre d’en demander une (toujours par écrit, avec l’accord de l’employé).
  • Les contrats d’apprentissage peuvent avoir une période d’essai comprise entre un et trois mois, mais l’employeur peut étendre cette période à 6 mois, après demande d’autorisation à l’autorité cantonale responsable de la formation professionnelle du candidat.

Quel salaire en période d'essai ?

Si l’employeur décide de rémunérer les journées d’essai, le salaire doit être équivalent à celui d’un salarié ayant déjà passé la période d’essai. Le candidat possède également le même droit aux congés ainsi qu’à tous les autres traitements prévus pour l’ensemble des salariés. 

Cependant, il n’est pas rare que la rémunération en période d’essai soit moins élevée qu’un salaire plein : on l’estime entre 5 et 10 %. La raison selon les employeurs : pousser le candidat à faire son maximum pour obtenir une rémunération classique à taux plein une fois la période d’essai achevée et l’embauche bien effectuée. Encore une fois, le montant de la rémunération en période d’essai doit faire l’objet d’un écrit et d’un accord entre les deux parties.

 

Comment mettre fin à une période d'essai en Suisse ?

Tout comme en France, les deux parties peuvent décider de rompre une période d’essai, et ce, à n’importe quel moment, dans un délai de 7 jours (ou moins, selon les termes du contrat de travail). 

Rupture de la période d’essai 

Les deux parties peuvent en effet décider de rompre la période d’essai, peu importe quand, mais au plus tard le dernier jour de la période d’essai. Cette décision peut être rendue à l’écrit mais aussi à l’oral, ou d’une manière précise selon les modalités prévues dans le contrat de travail.

 

Notez que vous n’avez aucune obligation de donner le motif de votre démission, tout comme l’employeur n’est pas tenu d’indiquer la raison de votre licenciement. Mais les deux parties peuvent en demander la raison.

 

En cas de maladie, d’accident ou de grossesse

Si le candidat est malade ou victime d’un accident pendant la période d’essai en Suisse, et qu’il ne peut pas travailler, l’employeur peut reconduire la période d’essai pour la même durée que l’arrêt de travail.

Cependant, notez que l’employeur peut décider de rompre votre contrat durant la période d’essai en cas de maladie, d’accident ou de grossesse. Vous n’êtes pas protégé d’un licenciement pendant les journées d’essai, à la différence d’un engagement définitif. 

 

En somme, les journées d’essai non rémunérées ne sont pas complètement illégales, mais l’employeur doit en faire part au candidat par écrit pour éviter tout malentendu. Par ailleurs, pour les représentants des patrons du syndicat comme la secrétaire syndicale Tamara Knezevic (UNIA Vaud), cette pratique est illégale : « tout travail effectué mérite un salaire ». Le frontalier doit donc être vigilant quant aux modalités de sa période d’essai, et notamment sur les clauses de rémunération.

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