Divorce Frontalier et Partage du 2ème Pilier
Le 2e pilier est obligatoire lorsqu’on travaille en Suisse, frontaliers inclus. Votre employeur et vous-même versez des cotisations sur une caisse de prévoyance dans le but de percevoir un complément de revenus qui viendra compléter votre 1er pilier une fois l’âge de la retraite atteint. Cependant, qu’arrive-t-il à ce 2e pilier en cas de divorce ? Séparation d’un couple de frontaliers travaillant tous deux en Suisse ou pas, y a-t-il une différence ? Voici tout ce que vous devez savoir sur cette situation compliquée entre divorce frontalier et partage du 2ème pilier suisse. Suivez le Guide !
Déposer une demande de divorce frontalier
Lorsque vous envisagez de divorcer, vous avez le choix entre déposer votre demande de divorce frontalier en France ou en Suisse. Les procédures peuvent cependant être différentes.
Procédure de divorce frontalier en France
Lorsque vous déposez une demande de divorce frontalier en France, c’est le Tribunal de Grande Instance (TGI) qui intervient. Vous devez être accompagné d’un avocat souvent spécialisé dans les affaires familiales.
La demande de divorce frontalier en France peut être faite selon les cas suivants :
Vous êtes |
Votre conjoint est |
Vous vivez |
Loi applicable |
Français |
Français |
en France |
Vous êtes soumis à la loi française |
Français |
Français |
en Suisse ou à l’étranger |
Vous êtes soumis à la loi française selon le Code civil, car la nationalité pèse dans la balance. Votre avocat devra contacter le TGI de Paris |
Français |
Suisse ou étranger |
en France |
Vous êtes soumis à la loi française, car l’un de vous possède la nationalité française |
Suisse ou étranger |
Français |
||
De double nationalité (dont Française) |
Suisse ou étranger |
en France ou à l’étranger |
Vous êtes soumis à la loi française, car le tribunal tient compte de la nationalité française même en cas de double nationalité |
Suisse ou étranger |
De double nationalité (dont Française) |
||
Suisse ou étranger |
Suisse ou étranger |
en France |
Vous pouvez effectuer une demande de divorce en France, mais la loi française ne sera pas forcément appliquée |
Procédure de divorce en Suisse
Selon l’article 60 sur le droit international privé suisse, le divorce frontalier en Suisse est possible dans le cas où le demandeur réside en Suisse depuis un an ou possède la nationalité suisse.
Par exemple, si vous êtes français, mais que vous souhaitez divorcer en Suisse, c’est possible selon ces conditions.
Cependant, si vous et votre conjoint avez la nationalité française ou une nationalité étrangère, (la même pour le couple) et qu’un seul est domicilié en Suisse, ce sera le droit français ou le droit national commun qui devra s’appliquer.
Par exemple, vous et votre conjoint êtes franco-suisses et que vous résidez à Berne, le droit suisse s’applique. Si vous êtes tous deux de nationalité française et que vous résidez à Lausanne, la loi suisse s’applique également. Cependant, si l’un de vous a quitté la Suisse pour retourner s’installer en France, c’est la loi française qui intervient.
Vous avez le choix entre le régime matrimonial régi par la loi suisse, ou la loi française (ou selon le pays dont vous avez la nationalité), mais cette décision doit être réalisée par écrit. Elle peut être modifiée à n’importe quel moment. Si vous n’avez pas effectué de choix (en l’absence d’un contrat de mariage, par exemple), vous êtes soumis à la loi du pays dont vous possédez la nationalité.
Par ailleurs, vous avez le droit de refuser une demande de divorce si vous n’êtes pas d’accord pour divorcer dans un autre pays que le vôtre. C’est-à-dire que si votre conjoint souhaite divorcer en Suisse (et que votre situation l’autorise auprès du droit suisse), mais que vous préférez faire valoir votre nationalité française, vous pouvez vous y opposer (cf. articles 14 et 15 du Code civil : « La compétence des tribunaux français est fondée sur la nationalité française du demandeur, même s’il n’est pas domicilié en France »).
Les principales différences entre divorce en France et divorce en Suisse
En dehors des procédures plus rapides lorsqu’on divorce en Suisse, d’autres points diffèrents.
La France |
La Suisse |
Prévoit 4 motifs de divorce :
|
Ne porte pas d’importance à la raison du divorce ni à celui qui l’a demandé |
La pension alimentaire est attribuée selon la situation lors du divorce frontalier (âge des enfants, situation professionnelle parentale, accords entre les époux, revenus mensuels) |
La contribution financière n’est accordée que sous conditions précises et n’est pas obligatoire. Le principe de cette mesure est appelé « clean break » (rupture franche) qui engendre le non-versement d’une pension au conjoint |
Exige la présence d’un avocat pour les deux parties (un chacun ou un commun, même en cas d’accord de divorce mutuel) |
Dans le cadre d’un consentement mutuel, un avocat n’est pas forcément nécessaire |
Si votre conjoint possède une caisse de prévoyance retraite, il/elle pourra en jouir de manière exclusive et individuelle |
Les avoirs des caisses de retraite (2e pilier) versés pendant toute la durée du mariage et jusqu'au début de la procédure de divorce frontalier, doivent être partagés de manière égale |
L’attribution de l’autorité parentale
Le droit suisse s’applique sur l’autorité parentale uniquement si l’enfant est en Suisse de manière permanente. La règle générale, qu’il s’agisse de la France ou de la Suisse, veut que les deux conjoints puissent maintenir une autorité parentale équilibrée.
Coût d’un divorce en Suisse et validité à l’étranger
Il est à noter qu’un divorce prononcé en Suisse est validé en France, et inversement. Cependant, il est nécessaire pour un Français de procéder à la « vérification de l’opposabilité » dans son livret de famille. Si vous vous êtes mariés en France, vous devrez contacter le Parquet du Tribunal de Grande Instance de votre lieu de mariage pour effectuer cette démarche.
Concernant le coût d’un divorce en Suisse, on l’estime entre CHF 1000 et 4000.- selon le canton, contre 2500 € en moyenne en France (coût variable selon le motif du divorce et la complexité du dossier).
Quelle que soit la procédure que vous choisissez, en France ou en Suisse, il est essentiel de bien connaître votre situation, vos droits vis-à-vis du divorce et vos obligations légales concernant les règlements sous-jacents (changement de nom, autorité parentale) prestations impliquées (pension alimentaire) et plus encore : le partage du 2e pilier.
Divorce frontalier et partage du 2ème pilier
Alors que la loi française n’intervient pas dans le partage des retraites entre mari et femme, le droit suisse, quant à lui, prévoit un partage égal du 2ème pilier acquis pendant le mariage et jusqu’au début de la procédure de divorce. Le partage du 2e pilier inclut les sommes qui ont été retirées pour un achat immobilier.
La loi de 2017
Avant le 1er janvier 2017, le traitement du 2e pilier ou LPP était utilisé par les juges en France pour déterminer la somme de prestation compensatoire, mais également par les juges en Suisse qui considéraient que si ce pilier avait été pris en compte au moment du jugement, il ne pouvait y avoir d’action en complément de celui-ci. À l’inverse, si lors du jugement en France la LPP n’avait pas été mentionnée, il était possible de demander une procédure de complément de jugement.
De même que lorsque l’un des conjoints percevait déjà une rente vieillesse, le partage n’était pas possible. La loi de 2017 vient bousculer cette décision.
Seulement, la loi du 1er janvier 2017 (article 63 de la Loi fédérale sur le droit international privé) vient bousculer les droits sur le 2e pilier en demandant aux juges français de ne pas s’immiscer dans les avoirs de la prévoyance professionnelle. Seuls les juges suisses sont en mesure de régir ce type de jugement en regard du 2e pilier.
2e pilier : le partage par moitié
Selon l’article 124b al.1 du Code civil suisse, le droit suisse prévoit le partage par moitié des avoirs LPP (le 2e pilier, donc) sous forme de rente viagère. Pourquoi ? Pour éviter que l’un des conjoints se retrouve en situation de précarité après le divorce et au moment de la retraite. Ce partage se rapproche dans sa finalité à la prestation compensatoire en France, mais obéit à des principes et des procédures différents.
Que vous ayez travaillé tous les deux en Suisse en tant que frontaliers, ou un seul de vous deux, le droit suisse intervient de la même manière face au partage des cotisations : les avoirs cotisés durant le mariage doivent être partagés à parts égales. Un décompte de ces avoirs pendant la durée du mariage doit être demandé par les caisses desquelles vous dépendez. Ce partage par moitié est également pris en compte si l’un des deux conjoints est déjà à la retraite et perçoit une rente provenant du 2e pilier.
Cependant, il est possible d’y déroger, mais pour cela, il faut que le conjoint renonçant à la part du 2e pilier puisse obtenir une autre forme de prévoyance retraite considérée comme équitable et adéquate. C’est-à-dire que le renonçant sera en mesure de bénéficier d’une retraite suffisante (revenus réguliers après la retraite, fortune personnelle, troisième pilier, etc.) Si cette condition n’est pas remplie, le juge (côté Suisse) peut refuser cet arrangement.
Il lui est également possible de modifier les parts de chacun ou de supprimer la notion de partage par moitié.
Comment est calculé le partage du 2e pilier ?
De manière générale, c’est le partage de moitié qui prône lors du divorce (comme mentionné plus haut), mais il arrive que ces parts soient données de manière inégale :
- si les avoirs de la LPP ont été cotisés uniquement en Suisse et pendant le mariage, la Suisse appliquera les pratiques habituelles, à savoir le partage par moitié, et ce, quel que soit le régime matrimonial ;
- si les avoirs de la LPP ont été versés en Suisse et à l’étranger, pendant le mariage, le droit suisse décidera d’une indemnité équitable selon les conditions stipulées dans l’article 124e al. 1C ;
- si les deux conjoints ont cotisé au 2e pilier suisse, le juge procédera à un rééquilibrage afin que les deux parties obtiennent le même montant.
Il est parfois difficile de partager les avoirs entre les époux, notamment si ceux-ci ont été utilisés avant la retraite comme pour l’achat d’une résidence principale, ou rapatriés en partie ou en totalité selon les conditions de retrait du 2e pilier.
Dans ces cas-là, le juge suisse devra déterminer la part du conjoint sur les avoirs accumulés durant le mariage et proposer une indemnité sous forme de rente ou de capital.
Le divorce frontalier est donc complexe lorsqu’on prend en compte le partage du 2e pilier. Sujet discordieux et souvent injuste si l’un des deux conjoints n’a pas cotisé à la LPP, divorcer lorsqu’on est frontalier peut coûter cher, dans tous les sens du terme. Le lieu de résidence et la nationalité des conjoints sont deux points déterminants qui définissent les droits de chacun. Il est donc important d’être bien informé et d’établir une comparaison avant de se décider à divorcer en Suisse ou en France.
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